L’image pour langage
L’image pour langage – 2017
Projet mené en 2017 auprès de 8 résidents du foyer de vie Lysander, à Bassilac, géré par l’APEI, dans le cadre des appels à projet Culture et médico-social.
Pendant 5 mois, une série de rencontres entre un photographe et des résidents du foyer de vie pour créer un langage nouveau, aborder une écriture différente au moyen d’outils photographiques simples.
Au-delà des séances de prises de vues, les résidents réalisent, trient puis choisissent des images sur des thématiques simples et qui leur tiennent à cœur.
Une écriture du sensible révélant des facettes de leurs personnalités, du conscient ou de l’inconscient, pour soutenir la création originale de personnes en situation de handicap.
Un projet résolument humain et fort où la relation soignants/résidents/artiste, devient progressivement une entité unique qui trouve ses propres clés de développement.
La création a été portée jusqu’à l’exposition publique dans une galerie à Périgueux mettant en lumière, avec leurs mots, leurs images, les imaginaires créatifs de ces 8 résidents.
L’Agence culturelle Dordogne Périgord coordonne l’appel à projet Culture et Médico-social en partenariat avec l’ARS et la DRAC Nouvelle Aquitaine.
Note d'intention
La photographie est mon mode d’expression depuis maintenant une quinzaine d’année. Je considère la photographie dans un aspect souvent écarté de son application première à savoir la seule représentation du réel. Bien sur elle est le moyen le plus large de nos jours de permettre d’enregistrer, de figer disons-nous même, une action, un paysage. Cependant la photographie est avant pour moi une forme d’écriture qui peut se réinventer à la hauteur de celles et ceux qui l’aborde. Ainsi, elle est un langage qui se fabrique dans une temporalité plus ou plus longue selon la narration qu’on souhaite lui donner. En cela, la photographie est un outil de langage qui permet d’explorer l’intime, de susciter des mots à lire entre les lignes. Plus que l’instant, la photographie se porte bien avant qu’elle soit réalisée dans une histoire, une rencontre et se poursuit jusqu’au lecteur de l’image, le visiteur, le spectateur.
Le but n’est donc pas de former un atelier de pratique photographique, ce que l’établissement peut par ailleurs réaliser et proposer comme activité, mais bien de venir construire un projet avec les personnes en situation de handicap, leurs éducateurs spécialisés, l’artiste et l’extérieur.
Le propos est de partir de l’individu, sur son histoire, ce qu’il aime, sa perception de l’autre et de l’extérieur afin de chercher ensemble sa propre narration. Car cette narration peut également naître de l’insconscient, du non visible et tactile, qui fait qu’une personne peut trouver un regard vers certaine forme, certains objets qui ont des liens avec son environnement, son espace de vie.
Chercher entre les lignes, voici bien l’objectif de ce projet qui viendra, dans la pratique photographique avec les résidents, au cours d’expérimentations multiples, former un dialogue entre chacun d’entre eux et leur entourage. L’interaction est donc très importante dans la proposition, elle peut, et c’est souhaitable, venir s’appuyer sur l’entourage familial qui est ainsi connecté directement au projet.
De manière concrète, le projet se déroulerait sur des interventions de 1h30 à 2h00 permettant d’installer chacune d’entre elle tout en respectant la capacité des résidents à se concentrer sur une action. A l’intérieur ou l’extérieur de l’établissement, chacun des interventions se déclinera sur une notion, une couleur, une émotion, un objet que les résidents, personnels encadrants et famille seraient à même de traverser, différemment, à la hauteur de leur capacité et de leur regard. Dans un premier temps, il s’agira donc de constituer un groupe de 6 à 8 résidents qui suivront le projet dans sa totalité. Cette première phase sera dédiée à apprivoiser l’outil photographique et de se débarrasser le plus vite possible de la technique et de du frein qu’elle peut parfois provoquer. La simplicité du matériel permet une plus grande spontanéité du regard et une instantanéité du geste artistique vers lequel nous dirigerons le groupe.
Par la suite le projet nous amènera à des séances où la production d’images se fera par des sujets thématiques, qu’ils soient les mêmes pour tous puis spécifiés selon le chemin de création emprunté par chaque résident.
Confronter ainsi ces regards sera alors une clé de lecture de l’individu, resserrant les liens qui unissent ces personnes, inventant un dialogue.
Les images produites seront au fur et à mesure du projet mise en confrontation c’est à dire qu’elle feront l’objet de discussions afin d’obtenir un choix, véritable composante de l’acte artistique. Ces images seront imprimées sous formes de cartes postales pour être expédiées soit à d’autres résidents partageant le même lieu de vie, ou bien vers l’extérieur, famille ou autre, pour venir en une première forme d’échange. Comme des bouées à la mer, la photographie est alors une lecture poétique de celui qui l’envoie, suscitant la réflexion du sentiment ou de la volonté de l’expéditeur.
Nous serons alors dans la phase de création la plus active pour les résidents qui, à leur propre rythme, instaureront par leurs photographies, des dialogues, comme autant de narrations courtes. Le but du projet est ainsi d’explorer ensemble, artiste, éducateurs, résidents, leurs personnalités dont on peut déjà savoir qu’elles réservent bien des découvertes.
Permettre la rencontre vers l’autre, rapprocher les personnes en situation de handicap vers l’extérieur en valorisant leurs capacités de créativité artistique sont bien ici les objectifs du projet, en parfaite résonnance avec ce que l’appel à projet cherche à soutenir.